Offre de thèse - Prévision Atmosphérique

Prévision de variables atmosphériques pour la gestion de l’énergie solaire en Afrique de l’Ouest

  • Contexte du projet

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a fait de la transition énergétique, de la sécurité de l’eau et de l’agriculture durable les trois principales priorités pour remplir les engagements pris par les États d’Afrique de l’Ouest dans leurs Contributions Déterminées au niveau National (NDC) pour respecter les accords de Paris. La stratégie énergétique est d’accélérer l’accès à l’électricité pour des centaines de millions d’Africains en limitant l’utilisation des combustibles fossiles. Les technologies des énergies renouvelables prennent donc une place croissante dans les politiques énergétiques et climatiques en respect des accords de Paris. A horizon 2030, alors que la consommation électrique de la CEDEAO devrait quadrupler, les capacités solaires photovoltaïques installées atteindront 8 à 20 GWc selon différents scénarios (IRENA, 2018).
Malgré un potentiel solaire parmi les plus élevé dans cette région du monde (e.g. Broesamle et al., 2001 ; Diabate et al., 2004 ; Quansah et al., 2016) , la production d’électricité solaire reste variable car dépendante des conditions météorologiques, rendant son intégration complexe au regard de la stabilité des réseaux électriques. La production photovoltaïque est directement liée à l’irradiance solaire reçue à la surface terrestre (la puissance solaire par mètre carré atteignant le sol), elle-même fortement influencée par la charge atmosphérique en poussières et par la présence de nuages. Dans certaines régions d’Afrique de l’Ouest, l’atténuation du rayonnement solaire par les nuages peut être proche de 50% pendant la mousson (Danso et al, 2020) . De plus, le rayonnement solaire y est soumis à d’importantes fluctuations spatio-temporelles en lien avec des phénomènes météorologiques d’échelles diverses comme les systèmes convectifs de méso-échelle (SCM) et les nuages à différentes altitudes (Schuster et al. 2006, Lafore et al. 2011, Bouniol et al. 2012).
Prévoir le plus précisément possible la variabilité de la ressource solaire à l’échelle infra-journalière et journalière est donc primordial pour assurer une gestion optimale de la production photovoltaïque par les opérateurs de réseau et des centrales. Si de telles prévisions sont aisément accessibles dans les pays les plus avancés technologiquement, elles constituent encore un défi particulier pour l’Afrique de l’Ouest. Les observations disponibles sont éparses (notamment les observations in situ comme les radio-sondages), et les systèmes de prévision météo ne sont pas forcément développés. Peu ou pas de modèles météorologiques régionaux existent et tournent de façon opérationnelle dans cette région. Plusieurs études ont tout de même évalué la pertinence de ces modèles mais présentaient soit une résolution spatiale faible (Gbode et al., 2019a, 2019b ) ou se focalisaient uniquement sur de courtes périodes et des événements spécifiques (Igri et al., 2018). La grande variabilité des échelles en jeu et l’importance des phénomènes locaux (quelques heures et quelques kilomètres à peine dans le cas des systèmes convectifs) impliquent classiquement l’implémentation de modèles météorologiques à haute résolution munis de schémas d’assimilation de données (Mathiesen et al. 2013, Kurzrock et al. 2019, Jimenez et al. 2022), avec la capacité à simuler les interactions nuages-aérosols-rayonnement. De tels systèmes sont relativement coûteux en temps de calcul, en euros, en expertise et en carbone. Ils nécessitent le plus souvent l’utilisation de super-calculateurs peu accessibles aux PMEs ou aux organismes spécialisés d’Afrique de l’Ouest.
Selon une autre perspective, depuis une décennie, l’intelligence artificielle (IA) vit un développement exponentiel, permettant de nouvelles applications. Les grands centres de prévision météorologiques investissent massivement dans l’exploration de ces techniques pour la sous-traitance de nombreuses taches dans les chaînes de prévision (Duben et al, 2022). Les techniques d’IA sont séduisantes par leur potentiel à réduire des temps de calcul en opérationnel, mais aussi par leur capacité à réaliser des prévisions dans des contextes très mal formalisés mathématiquement (distinction chiens/chats, reconnaissance de nuages, etc.). Cependant, devant la complexité physique des processus atmosphériques et la nécessité de disposer d’une base de données importante pour la calibration de ces méthodes d’IA, elles n’ont pas encore remplacé intégralement les systèmes plus conventionnels basés sur les modèles physiques. Ainsi, il parait encore prématuré d’envisager à court terme un système de prévision météorologique sur l’Afrique de l’Ouest uniquement fondé sur l’IA.

  • Objectif du projet

L’objectif de la thèse est de développer un système de prévision de la ressource solaire aux emplacements de plusieurs fermes solaires situées en Afrique de l’Ouest en tenant compte de toutes les contraintes mentionnées précédemment : la sobriété numérique est au cœur de la question scientifique. Le calcul intensif n’est pas exclus pour les expériences, mais ne devra pas être la clé de voûte du système finalisé puisque qu’il aura vocation a être intégré à une chaîne de prévision opérationnelle. En plus des prévisions primordiales de l’irradiance solaire, on pourra également s’intéresser aux variables secondaires impactant la production photovoltaïque (température, vent, humidité) et à celles pouvant venir modifier le rendement des centrales via la salissure ou le nettoyage des panneaux (poussières, vent, précipitations). La première phase du travail consistera à effectuer un catalogue des données existantes et pertinentes pour la prévision d’irradiance solaire en Afrique de l’Ouest : observations et produits satellitaires (types de nuages, épaisseurs optiques, rayonnement solaire estimé), stations météorologiques, etc. En fonction de la nature et de la densité de ces données, le développement de modèles « non-physiques » (donc, des réseaux de neurones) pourra être tenté, ce qui constituerait une originalité forte de la thèse. Alternativement ou ensuite, le développement se poursuivra avec la mise en œuvre du modèle à aire limitée WRF (Weather Research and Forecasting) dans sa version spécifique « solaire » (WRF-solar, Jimenez et al, 2016), sur une région de l‘Afrique de l’Ouest. Une méthode d’assimilation de données adossée à WRF sera mise en œuvre et calibrée pour la région. Les techniques basées sur l’IA entreraient alors en jeu soit pour réduire le temps de calcul (par exemple, par des techniques de super-résolution), soit pour la transformation de variables complexes (couverture nuageuse par exemple) pour faciliter l’interface avec le modèle physique. La réplicabilité de la solution à d’autres régions du monde est un point qui nécessitera une attention particulière.

  • Cadre scientifique et programmatique

Ce projet de thèse constitue un volet du projet NETWAT (West African Mineral Dust : a key in the NExus climaTe – WATer -energy), financé par l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) et piloté par Sandrine ANQUETIN de l’IGE. Le financement de la thèse est assuré par le projet.

La thèse est un partenariat entre l’IGE et l’entreprise Steadysun basée au Bourget-du-Lac. L’IGE est l’un des plus grands laboratoires de recherche sur les enveloppes fluides terrestres en France.
Steadysun a été créée en 2013 par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et l’Institut national de l’énergie solaire (INES). Acteur de la transition énergétique à l’international, Steadysun propose des services de prévision de production solaire permettant d’accroître la part de l’énergie solaire dans les mix électriques, tout en atténuant les coûts et les risques liés à la variabilité météorologique. La valeur apportée par ces services répond aux besoins d’équilibre sur les réseaux, de minimisation des coûts d’investissement et d’exploitation des centrales, d’optimisation des transactions sur les marchés de l’électricité et de maximisation de l’autoconsommation. A ce jour, les solutions de prévision proposées par Steadysun sont déployées sur plus de 14000 sites dans plus de 25 pays dont 4 en Afrique de l’Ouest (Sénégal, Burkina Faso, Bénin, Niger).

L’encadrement de la thèse sera assuré par Emmanuel COSME (directeur de thèse), maître de conférences HDR à l’IGE et spécialiste de l’inversion de données (assimilation, réseaux de neurones), Damien RAYNAUD (co-encadrant entreprise), météorologue, docteur en variabilité climatique et intégration des énergies renouvelables, ingénieur R&D systèmes de prévisions météorologiques chez Steadysun.
Des interactions fortes se feront avec quelques personnes clés du projet NETWAT : Sandrine ANQUETIN à l’IGE, et Guillaume TREMOY à Steadysun (Directeur Recherche et Innovation).

Une ou des missions de collaboration en Afrique de l’Ouest pourront avoir lieu selon les développements du projet.

  • Profil recherché

Le ou la candidate aura une formation en calcul scientifique, ou sciences de l’atmosphère et du climat, ou en analyse de données. Quelle que soit la formation initiale, une expérience dans la manipulation de jeux de données de grande taille ou dans la mise en œuvre d’un modèle un peu « lourd » serait un atout certain. Dans le doute sur l’adéquation du profil, le ou la candidat.e hésitante est invité.e à contacter les encadrants de façon informelle pour avis. D’excellentes compétences rédactionnelles et communicationnelles en français et anglais sont attendues.

  • Comment candidater

Envoyer CV et lettre de motivation à
emmanuel.cosme(at)univ-grenoble-alpes.fr et damien.raynaud(at)steady-sun.com.

Le CV devra être précis sur l’expérience relative au profil recherché (ci-dessus) et inclure le nom d’au moins deux personnes références (responsables de stage, de formation).

Le CV et la lettre devront être reçus avant le 15 mai 2023, 9h du matin.
Les candidat·es pré-sélectionné·es seront auditionné·es entre le 22 mai et le 2 juin 2023.

  • Liens utiles et références bibliographiques

IGE : www.ige-grenoble.fr
Steadysun : https://www.steady-sun.com/fr/
Projet NETWAT : https://netwat.osug.fr/

Bouniol, D., Couvreux, F., Kamsu-Tamo, P., Leplay, M., Guichard, F., Favot, F., & O’Connor, E. J. (2012). Diurnal and Seasonal Cycles of Cloud Occurrences, Types, and Radiative Impact over West Africa, Journal of Applied Meteorology and Climatology, 51(3), 534-553.
Broesamle, H. ; Mannstein, H. ; Schillings, C. & Trieb, F. Assessment of solar electricity potentials in North Africa based on satellite data and a geographic information system, Solar Energy, Elsevier BV, 2001, 70, 1-12
Danso, D. K. ; Anquetin, S. ; Diedhiou, A. & Adamou, R. Cloudiness Information Services for Solar Energy Management in West Africa, Atmosphere, MDPI AG, 2020, 11, 857
Diabaté, L. ; Blanc, P. & Wald, L. Solar radiation climate in Africa. Solar Energy, Elsevier BV, 2004, 76, 733-744
Duben et al, Machine learning at ECMWF : A roadmap for the next 10 years, ECMWF technical Memo 878, 2022. https://www.ecmwf.int/en/elibrary/81207-machine-learning-ecmwf-roadmap-next-10-years
Gbode, I. E., Ogunjobi, K. O., Dudhia, J., & Ajayi, V. O. (2019). Simulation of wet and dry West African monsoon rainfall seasons using the Weather Research and Forecasting model. Theoretical and Applied Climatology, 138, 1679-1694.
Gbode, I. E., Dudhia, J., Ogunjobi, K. O., & Ajayi, V. O. (2019). Sensitivity of different physics schemes in the WRF model during a West African monsoon regime. Theoretical and Applied Climatology, 136, 733-751.
Igri, P. M., Tanessong, R. S., Vondou, D. A., Panda, J., Garba, A., Mkankam, F. K., & Kamga, A. (2018). Assessing the performance of WRF model in predicting high-impact weather conditions over Central and Western Africa : An ensemble-based approach. Natural Hazards, 93, 1565-1587.
IRENA (2018), IRENA Planning and prospects for renewable power : West Africa, International Renewable Energy Agency, Abu Dhabi.
Jimenez, P. A., Hacker, J. P., Dudhia, J., Haupt, S. E., Ruiz-Arias, J. A., Gueymard, C. A., Thompson, G., Eidhammer, T., & Deng, A. (2016). WRF-Solar : Description and Clear-Sky Assessment of an Augmented NWP Model for Solar Power Prediction, Bulletin of the American Meteorological Society, 97(7), 1249-1264. doi : https://doi.org/10.1175/BAMS-D-14-00279.1
Jiménez, P. A., Dudhia, J., Thompson, G., Lee, J. A., Brummet, T., Improving the cloud initialization in WRF-Solar with enhanced short-range forecasting functionality : The MAD-WRF model, Solar Energy, Volume 239, 2022, Pages 221-233, ISSN 0038-092X, https://doi.org/10.1016/j.solener.2022.04.055.
Kurzrock, F., Assimilation de données satellitaires géostationnaires dans des modèles atmosphériques à aire limitée pour la prévision du rayonnement solaire en région tropicale. Géographie. Université de la Réunion, 2019. Français.
Lafore, J. P., Flamant, C., Guichard, F., Parker, D. J., Bouniol, D., Fink, A. H., ... & Thorncroft, C. (2011). Progress in understanding of weather systems in West Africa. Atmospheric Science Letters, 12(1), 7-12.Mathiesen, P., Collier, C. and Kleissl, J., A high-resolution, cloud-assimilating numerical weather prediction model for solar irradiance forecasting, Solar Energy, Volume 92, 2013, Pages 47-61, ISSN 0038-092X, https://doi.org/10.1016/j.solener.2013.02.018.
Mathiesen, P., Collier, C., Kleissl, J. (2013). A high-resolution, cloud-assimilating numerical weather prediction model for solar irradiance forecasting. Solar Energy. 92. 47–61. 10.1016/j.solener.2013.02.018.
Quansah, D. A. ; Adaramola, M. S. & Mensah, L. D. Solar Photovoltaics in Sub-Saharan Africa – Addressing Barriers, Unlocking Potential. Energy Procedia, Elsevier BV, 2016, 106, 97-110
Schuster, R., Fink, A. H., & Knippertz, P. (2013). Formation and maintenance of nocturnal low-level stratus over the southern West African monsoon region during AMMA 2006. Journal of the Atmospheric Sciences, 70(8), 2337-2355.

Mis à jour le 17 mars 2023